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Cette polyphonie a dessiné un parcours vers le sud.

Celle d'une plate-forme, proche de l'eau, sommaire,

permettant de naviguer ou d'atteindre la terre ferme,

un assemblage de divers objets flottants échoués sur la grève (tongs, bouteilles de

plastique, morceaux de bouée),

qui n'a pas vocation à être durable.

Inévitablement, une longue série d'images historiques et d'actualité

se greffe à cet objet instable et ambivalent.

Nous n'en nommerons aucune.

Tout territoire, défini comme une situation poétique, correspond par voie métaphorique

à d'autres situations et d'autres territoires dans le monde.

Pas plus qu'un radeau n'occulte la nécessité de la confrontation

Pas plus, le politique ne disparaît sous le poétique.

Un radeau fait de tongs reliées entre elles.

Une multitude.

Chacune évoquant des pas, des routes, des déplacements, des absences

Réunies de manière suffisamment souple pour que lorsque percutent des vagues, l'eau passe au travers.

Car un radeau n'est pas esquif.

Nous ne retenons pas les questions.

Notre liberté relative vient de cette structure rudimentaire.

Ceux qui l'ont conçue ont fait du mieux qu'ils ont pu.

Dans le temps imparti.

Alors qu'ils n'étaient pas en mesure de construire une véritable embarcation.

Chacun l'a chargée d'enjeux personnels et collectifs.

Quelque soit un projet, pour peu qu'il soit commun à quelques uns, il faut un réseau.

Ensemble, temporaire ou accidentel, de lignes entrecroisées.

Un réseau de présences proches.

Ici pêcheurs, ramasseuses de coques, commerçantes, paysans du Siné Saloum,

dans une nature scandée par un rythme coutumier et une économie de subsistance.

Travaillée par les grandes transformations du monde.

Se livrer à la dérive.

Renoncer, pour une durée plus ou moins longue,

aux raisons habituelles de se déplacer et d’agir,

pour se laisser aller aux sollicitations d'un espace étranger,

aux rencontres.

Apprendre et désapprendre.

Se décentrer dans cette zone constituée de mangroves, de lagunes, de forêts et de cordons sableux.

Chercher une manière de se mettre en relation avec un espace étranger et ses habitants,

avec d'autres expériences, vécus, savoirs, imaginaires, histoires.

Expérimenter un espace où l'action est coproduction de savoirs et d'agir en assumant la complexité de la situation et la possibilité d'une construction collective.

Par l'approfondissement, l'écoute, l'échange et la bienveillance.

Etre attentifs aux conseils, aux dons, aux négociations comme à toutes les intraduisibilités, les opacités et aux complexités de la relation.

Engager la traversée.

Tout en veillant à une présence à soi,

à identifier d'où nous parlons,

à nos planéarités situées.

Quand les questions s'abattent,

nous maintenons un projet,

ce qui nous réuni.

Non pas une plate-forme concertée,

mais des liens, des modes d'attaches.

Une image du monde, analogique et lacunaire, est préférable à celle d'un univers globalisé par la puissance de l'argent et le droit du plus fort.

Une arche qui nous aide à penser notre mouvement

Penser l'errance et la navigation, étendues à la vie entière

devenues mode d'habitation,

Penser les formes de nos mondes à venir,

comme des pays flottants, nations provisoires,

règnes partagés entre animaux, végétaux et humains

tenus solidairement dans une fragile cohabitation

Faire ce qui est en notre pouvoir pour tracer des lignes vers d'autres devenirs.

Partir de l'imprévisible trajectoire,

Comment accélérer les métamorphoses ?»

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